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Le journal d'Ukraine
18 septembre 2006

transnistrie

La Transnistrie à pas ferme vers Moscou

Parodie de référendum pour l'indépendance dans cette province assistée par la Russie.

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Sur les routes de Transnistrie, petit ruban de terre qui s'est proclamé «république» autonome à l'est de la Moldavie, de grands panneaux publicitaires montrent des chars ou des champs de bataille et proclament : «Souvenons-nous, nous ne sommes pas la Moldavie.» A la télévision locale, ce sont sans cesse des images de la courte guerre qui a fait plus de 500 morts en 1992 et des tirades haineuses contre «le fascisme moldave». Les 500 000 habitants de la région, invités hier à redire par référendum oui à l'«indépendance», oui au rattachement à la Russie et non à la Moldavie, sont soumis à une intense propagande. «Je vote pour la Russie parce que la Moldavie nous torture trop. Elle nous soumet à un blocus économique !» explique ainsi Aliona, jeune employée moldave d'un salon de beauté de la «capitale» Tiraspol, répétant fidèlement les slogans officiels. Aliona a honte d'avouer son salaire ­ «moins de 50 dollars par mois» ­, mais elle compte sur la Russie pour améliorer la situation : «La Russie, c'est ce que nous connaissons, nous y avons grandi, c'est notre patrie !»

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38 euros de retraite et vieux passeport soviétique

Devant un HLM de Tiraspol, un modèle de bulletin de vote a été collé : rempli oui à la Russie, non à la Moldavie. Au pied des immeubles, Galina et Valentina, deux grands-mères ukrainiennes, énumèrent tout ce qu'elles ont reçu d' «aide humanitaire» de Moscou cette année : une bouteille d'huile, 2 kilos de farine, 2 kilos de sucre, 2 kilos de riz. Galina fond en larmes parce que sa retraite équivalente à 38 euros et son vieux passeport soviétique ne lui permettent pas d'aller rendre visite à sa famille en Russie. Puis se reprend : «Merci la Russie, merci, merci pour toute l'aide qu'elle nous apporte.»

Plus de 90 % des électeurs de Transnistrie devraient une nouvelle fois voté, dimanche, pour l'«indépendance» de leur république et pour son rattachement à la Russie, selon les résultats provisoires qui devaient être annoncés hier soir. Chiffres qu'aucune organisation internationale ne veut prendre au sérieux, la république de Transnistrie n'étant reconnue par aucun Etat au monde, pas même la Russie. Bien que cette «république» se trouve sur le territoire de la Moldavie et qu'un gros tiers de Moldaves y habitent (pour un tiers d'Ukrainiens et un tiers de Russes), aucune campagne en faveur du retour à la Moldavie n'a été tolérée par le régime, dirigé par d'ex-agents du KGB, les services secrets soviétiques, reconvertis en hommes d'affaires. Tiraspol et les autres villes de Transnistrie sont encore ornées de bustes de Lénine et de slogans de style soviétique proclamant «la gloire et la fierté» de la petite république. Ce qui n'a pas empêché ses dirigeants de s'enrichir dans l'import-export d'armes, de gaz, de pétrole, de sucre ou de poulets, qu'ils dédouanent à leur guise et réexportent vers l'Ukraine ou la Moldavie.

Dans une sorte d'hôtel particulier chichement rénové, au centre de Tiraspol, Valeri Litskaï, «ministre des Affaires étrangères» de Transnistrie, reçoit avec la faconde d'un professionnel des services russes et assène : «La raison principale pour laquelle nous sommes pour la Russie, c'est le prix du gaz ! Qu'est-ce que fait l'Union européenne pour nous ? Elle nous dit : "Nous ne voulons pas de vous !" Pour nous, l'Europe c'est l'Antarctique !» Et que fait la Russie ? «Elle nous vend le gaz bon marché, elle nous a donné 100 000 passeports russes qui permettent à nos citoyens d'aller travailler à Moscou, continue le "ministre". Depuis 1990, la Russie nous a donné près de 1 milliard de dollars et elle promet de nous en donner autant encore à l'avenir.»

«De plus en plus marre de vivre dans ce ghetto»

Ce référendum traduit pourtant la nervosité des autorités locales qui, depuis la «révolution orange» de 2004 à Kiev, sont encerclées par deux pays, l'Ukraine et la Moldavie, aspirant plutôt à l'Union européenne. «La vie est très dure pour les simples gens de Transnistrie et la majorité de la population en a de plus en plus marre de vivre dans ce ghetto», observe Ion Iovcev, directeur de l'école moldave de Tiraspol. Les documents de Transnistrie n'étant reconnus nulle part, les habitants doivent obtenir un passeport moldave, ukrainien ou russe, dont le prix peut atteindre 1 000 dollars en bakchich, pour sortir de leur enclave. «On n'en peut plus de vivre dans cette prison à ciel ouvert», soupire Serioja, Moldave de Tiraspol, parti travailler à Moscou comme maçon et revenu désillusionné : «J'ai failli mourir de faim en Russie. Là-bas, avec un passeport moldave, tu es traité comme le dernier des derniers.»

L'idéologue en chef de la république, l'ultranationaliste Dmitri Soïn, avoue qu'un malaise est perceptible. «Une partie de la bureaucratie est corrompue», admet cet ancien combattant. Pour remobiliser la jeunesse, il a fondé un mouvement, à l'effigie de Che Guevara, qui réchauffe les coeurs en brûlant régulièrement des drapeaux ou des effigies du président moldave. «Ce référendum doit donner des arguments à la Russie pour qu'elle nous aide plus encore», explique Dimitri Soïn, posant là la vraie question du jour : combien Moscou est-elle encore prête à payer pour garder ce petit îlot russophile au centre de l'Europe.

Source: http://www.liberation.fr

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